« LA VIE SECRETE DU SOL » - Christopher Bird et Peter Tompkins

En 1990, Christopher Bird et Peter Tompkins publient « LA VIE SECRETE DU SOL », un livre sur de nouvelles méthodes agricoles, respectueuses de l'environnement et prônant un respect de la nature. Dans cet extrait, les auteurs retracent le chemin de Machaelle Small Wright dans sa quête du Jardin Co-créatif et son expérience avec les devas de la nature.

Perelandra

Jardin de Findhorn

Le monde découvrit au cours des années 70 la communauté de Findhorn, en même temps que son univers d’esprits de la nature, ses devas et le grand dieu Pan. Certains ne doutèrent pas de l’authenticité de phénomène de « clairaudience », ni des messages que Dorothy Maclean affirmait avoir reçus des devas responsables des fruits, des légumes et des fleurs qui poussent si bien dans ce désert glacé d’Ecosse. D’autres dirent que c’était le fait d’une imagination romantique qui, au mieux, pouvait servir l’humanité à une approche plus sensible des plantes nécessaires à sa vie. La communication véritable avec les esprits de la nature, un rite anodin pour les visionnaires hippies des années 60, ne pouvait en rien intéresser des gens rationnels.

Et voici qu’une jeune femme, habitant au pied des collines boisées des Blue Ridge Mountains, en Virginie, affirme que tout le monde peut communiquer avec les devas, les esprits de la nature et le grand dieu Pan, par le plus simple des moyens. Et qu’elle sera heureuse de le transmettre aux simples mortels qui lui en feront la demande. Il est temps, dit-elle sur un ton plus sérieux, que nous essayions, si nous voulons guérir la planète de ses maux, de communiquer avec les forces de la nature auxquelles cette tâche est précisément dévolue.

Elle s’appelle Machaelle Small Wright, et elle a créé près d’un bois un jardin extraordinaire baptisé Perelandra (d’après le célèbre livre de C.S. Lewis). Cette création s’est faite, c’est du moins ce qu’elle affirme, sous la direction de ses maîtres immatériels. Au cours de séminaires organisés régulièrement, elle enseigne aux passionnés des jardins venus des quatre coins des Etats-Unis comment communiquer directement avec ses diaphanes amis.

« Il est temps que nous essayions, si nous voulons guérir la planète de ses maux, de communiquer avec les forces de la nature auxquelles cette tâche est précisément dévolue. »
Machaelle Small Wright

Soutenue par un nombre croissant de personnes à travers le monde, elle part de l’hypothèse que seule la collaboration avec le Troisième Royaume peut nous sauver. Ce royaume, celui des forces élémentaires, le monde de la nature, nous donne ici-bas la seule chance de nous débarrasser des miasmes pestilentiels qui ont enveloppé la planète et, en guérissant notre planète, de guérir toute vie sur terre.
Ce rêve a enthousiasmé les adeptes de mouvements telle la Convergence Harmonique de José Arguelles. Paracelse, Helena Blavatsky, Leabeater, Annie Besant, Hodson et tout particulièrement Rudolph Steiner avaient déjà prêché le même message. Seulement Machaelle n’a pas eu besoin de lire leurs livres. Elle prend ses informations à la source, où n’importe qui, selon elle, peut les trouver. Il suffit pour cela de suivre sa méthode, sans passer nécessairement par les épreuves qui l’ont menée à sa prise de conscience.

Sa mère était une alcoolique, son père un tyran, sa belle-mère une femme haineuse qui l’a jetée à la rue, à peine adolescente, démunie de tout argent, foyer, travail. Enfant dyslexique, elle s’est découvert une double personnalité, l’une extérieure, sombre, qui essayait de survivre ; l’autre intérieure, joyeuse, forte, débordante de vitalité.

La méditation la conduisit au voyage astral, dans lequel « au lieu d’un espace vide, j’ai vu devant mes yeux des formes tellement floues que je les distinguais à peine. J’avais l’impression que je les regardais à travers une vitre et tout à coup, j’ai compris que j’étais de retour chez moi – dans ma vraie maison. Je ne savais pas où était ce lieu, mais je savais, sans le moindre doute, que c’était chez moi et que j’avais quitté ma maison pour venir sur terre ».

Dans son voyage astral, Machaelle a appris que lorsqu’elle est hors de son corps, elle peut aider les autres, soulager rapidement les esprits incarnés en détresse. Tel ce prêtre dans un train, en Yougoslavie, qu’elle parvint à réconforter spirituellement, juste avant que le train ne s’écrase et qu’il ne meure. « C’était chaque fois différent, et j’apprenais quelque chose de nouveau sur les activités invisibles, complexes et surprenantes qui s’exercent continuellement autour de nous. »

Dans sa vie de tous les jours, elle a encouragé la formation de la communauté pour la non-violence créative, persuadée que l’écologie est une des facettes de la non-violence : « La destruction de la nature n’est que la destruction de l’homme même. La qualité de l’existence de l’homme est en corrélation directe avec la qualité des liens qu’il entretient avec la nature. »
Le fait d’aller habiter dans les bois eut très rapidement des conséquences :

« J’ai d’abord remarqué que la nuit, il y avait quelque chose de différent dans les bois quand j’étais seule à la maison. Je percevais une énergie nocturne qui devenait si intense que je me sentais mal à l’aise devant une fenêtre ou une porte vitrée. Surtout pendant les nuits de pleine lune. »

« Mon malaise ne venait pas de la peur d’être happée par quelqu’un ou quelque chose. Il venait plutôt d’une certaine intensité que je ressentais tout autour de moi… une intensité… dans l’air. Rien d’hostile. »

En 1974, Machaelle a découvert les livres sur Findhorn. « Tout d’un coup, on était en train de me dire que les énergies subtiles que je ressentais autour de moi avaient des noms. Devas. Les esprits de la nature. Ils n’étaient pas nés de mon imagination, mais existaient vraiment ! Ce que j’avais senti dans les bois était une force vive qui était maintenant identifiée et pouvait être étudiée en tant que phénomène réel.»

Au début janvier 1977, sa décision était prise. « Je suis entrée dans le bois et j’ai déclarée à haute voix : je veux faire à Perelandra ce qu’ils ont fait à Findhorn. Je veux travailler avec les devas et les esprits de la nature… Puis j’ai quitté le bois, je suis retournée à la maison, je me suis mise en état de méditation.
Et j’ai attendu. »

Machaelle avoue ne pas très bien avoir su ce qu’elle faisait à ce moment-là. Mais la réponse fut immédiate. « Comme Dorothy Maclean à Findhorn, une foule de voix sont venues à moi. Et seulement quand je leur ai demandé de communiquer avec moi, une par une, ont-elles commencé de me parler, à mon grand étonnement. Les devas m’apparurent se situer à un niveau de conscience très haut en vibrations. Un peu comme si quelqu’un avait fait résonner plein de diapasons en même temps et que, au lieu de distinguer différents sons, on perçoive différentes vibrations. Je n’avais jamais rien expérimenté de tel lors de mes précédentes méditations. »

Ainsi commença la collaboration entre Machaelle et les membres du Royaume de la Nature. « On m’a donné des instructions. On m’a dit quelles graines acheter. Quels engrais utiliser. A quelle distance les unes des autres je devais planter les semences. Quand je devais tailler les plantes et dans quelle mesure. »

Tandis que chaque deva se présentait à elle, Machaelle remarqua une légère différence dans leurs vibrations, jusqu’à ce qu’elle puisse, au bout e quelque temps, reconnaître chacune d’elles. « Un jour, j’ai senti une vibration très différente : je me suis retrouvée avec le deva surbrillant du Jardin. »

Comme l’explique Machaelle, puisqu’elle a tendance à voir la réalité autour d’elle en termes d’énergie plutôt qu’en termes de forme, elle perçoit les esprits de la nature comme des sphères tourbillonnantes d’énergie lumineuse. « Par égard pour moi, quand les esprits décident de se manifester, ils choisissent un contexte qui m’est familier – l’énergie.

Je sais qu’ils apparaissent parfois aux humains sous forme de lutins, fées, gnomes, etc. Mais je crois que c’est seulement parce que les gens sont plus familiarisés avec ce type d’images. Pour se manifester de cette manière, ils s’adaptent à notre forme de pensée. »

Assise à l’ombre d’un jeune chêne en bordure de son jardin prospère, à quelques mètres seulement d’un sanctuaire délimité par une corde et ont l’accès est strictement réservé aux seuls esprits de la nature, Machaelle rit de bon cœur : « Ils ont vécu bien des tourments, souffrant qu’on se soit ainsi trompé sur leur compte en les prenant pour des formes nées de notre imagination. Ce sont des entités extrêmement puissantes, responsables de toute forme de vie autour de nous. Et un rien pourrait faire disparaître cette forme. »

Machaelle est une femme d’une quarantaine d’années, grande, plaisante à regarder, aux cheveux sombres tirés en arrière à cause de la chaleur estivale. Elle nous a montré avec enthousiasme comment entrer en contact avec ses compagnons invisibles. « C’est facile avec la kinésiologie. Placez votre petit doigt de la main gauche contre le pouce gauche. Dans le cercle ainsi formé, plongez votre pouce et votre index droits, joints. Puis posez une question, n’importe quelle question à condition que la réponse soit oui ou non. Poussez à nouveau contre le cercle formé par votre pouce gauche et le petit doigt. S’ils se séparent, la réponse est non. S’ils restent joints, la réponse est oui. Vous serez surpris par la vitesse à laquelle vous apprendrez, et combien il vous sera facile d’entrer en contact avec le monde des forces élémentaires qui vous entoure. »

Elle nous expliqua que la kinésiologie n’avait rien de mystique ou de magique, mais que si un « négatif » est placé dans le champ d’une personne – le réseau d’énergie électrique contenu dans son corps – ce champ va immédiatement répondre par un « court-circuit ». Les muscles ont alors beaucoup de peine à conserver leur tension et à ne pas bouger à mesure que la pression augmente. De la même manière, quand un « positif » est placé dans le champ, le système électrique résiste et les muscles aussi.

Mais ce qui nous intéressait surtout, c’était le jardin avec lequel elle semblait avoir dépassé Courtney, Podolinsky, Hieronymus et même Lisle. Elle produisait de telles quantités de fruits et de légumes qu’elle aurait pu nourrir Philadelphie, ainsi qu’elle l’affirmait, et tout provenait d’un lopin de terre de 1000m², sans l’aide Carlson, Hamaker ou des préparations biodynamiques. Elle n’arrosait pas non plus son jardin, sauf au moment de la plantation. Et puis, plus rien. Plus une goutte, même au cours de l’été 1986, quand le gouvernement fédéral a déclaré la Virginie (et d’autres Etats de l’est) zone sinistrée en raison de la sècheresse. Et ce fut la même chose avec le mauvais été de 1988. Tandis que tout autour, des jardins bien paillés se desséchaient au soleil, Perelandra restait frais et plein de vie, ce qui amena ses voisins à soupçonner Machaelle de s‘adonner à la sorcellerie.

A trente mètres de nous, le jardin a une forme concentrique, avec des rangées concentriques de légumes splendides, des fleurs étincelantes qui offrent une variété et une juxtaposition étonnantes. Au centre, dans une zone réservée au bain et à l’alimentation des oiseaux, se dresse une structure en fil de fer en forme de cristal de la « Genèse », une sorte d’antenne de 4 cercles de cuivre de 60cm de diamètre. Cette antenne a été conçue par Derald Langham « pour capter la force vitale de toutes les formes à sa portée, puis purifier cette énergie, et la restituer en tourbillons à son environnement ». Dessous se trouve une pierre gemme, le tout posé sur une ardoise, au-dessus d’un tenseur de pyramide de Flanagan. De plus, ce refuge est entouré d’un cercle de pierres, tout comme ceux de Harvey Lisle, afin de créer une zone d’énergie.

« Le point central a changé de contenu mais non de position. Un cristal de quartz blanc naturel se trouvait autrefois au centre. Mais j’ai réussi à me procurer un joyau beaucoup plus précieux »

Trois chemins en spirale partent de la périphérie vers le centre. Une grille entoure le jardin pour le protéger des chevaux et des vaches des voisins, mais non des animaux de Perelandra qui peuvent y circuler à leur guise, y compris les lapins, les taupes, les cerfs et toutes sortes d’insectes. Aucun insecticide, ou produit analogue, organique ou non n’est utilisé.

Jardin de Perelandra

« Pour cultiver ce jardin, j’emploie le principe de l’énergie, dit Machaelle d’un ton vibrant. Cette technique de jardinage, ce travail d’énergie co-créatrice est une métaphore de la vie. Si vous changez d’attitude envers votre jardin, vous changerez en même temps l’essence même de votre approche de la vie. Le jardin de Perelandra, c’est ma vie, mon cœur, mon souffle. Il est mon ami, mon secours, mon père nourricier, mon maître qui m’enseigne qui je suis, ma planète, mon univers. Il m’ouvre la voie vers la vérité spirituelle, et la loi universelle de la nature contenue dans le flot universel. Il est la démonstration de ces lois et de ces vérités étalées devant mes yeux. Il est pour moi la preuve que la vérité spirituelle et la loi universelle s’étendent à la réalité tout entière, y compris un jardin. »

Ce petit jardin doit cacher quelque miracle de création, car la méthode de fertilisation de Machaelle est encore plus incroyable que toutes celles de Podolinsky, Carlson, Howearth, Hieronymus ou Lisle. Elle a mis au point ce qu’elle appelle son « kit d’équilibrage du sol », tout un assortiment de petits sachets de poudre d’os, de phosphate de roche, de Nitro-10, de grès vert, de poudre de graine de coton, de calcaire magnésien, de varech et d’essence de consoude. Tout ceci sur ordre de ses amis les devas.

« Les gens ne comprennent pas que sans apport d’éléments nutritifs appropriés, l’aspect physique de la plante ne reçoit aucune aide vitale. »

Elle présente dans la paume de la main une pincée de chacun des éléments l’un après l’autre et demande pour chacun quels sont les besoins du sol. Quand elle reçoit la réponse, elle demande à l’esprit de la nature approprié qu’il accepte l’énergie des éléments nutritifs qu’elle tient dans sa main, qu’il en prenne la quantité nécessaire et qu’il la place à la profondeur appropriée à l’endroit approprié du jardin. *

« Il arrive que vous perceviez immédiatement une sensation dans votre main, ou un changement dans l’élément nutritif que vous tenez », affirme, péremptoire, Machaelle, tout comme elle aurait présenté une recette de crème au chocolat. « Tendez votre main pendant 10 secondes environ. Ensuite laissez tomber les éléments nutritifs par terre. N’essayez pas de les récupérer, car ce n’est qu’une forme dépourvue d’énergie, désormais parfaitement inutile. A ce moment-là, l’esprit de la nature déplace l’énergie de la substance que vous avez fournie sous sa forme initiale, et il l’utilise pour augmenter l’énergie jusqu’à la quantité nécessaire. Il va ensuite réinfuser cette énergie accrue dans le sol, au taux de concentration voulue et à la profondeur adéquate. Quand l’énergie est en place, l’esprit de nature avec lequel vous travaillez va la transférer au niveau de la forme. Bref, en utilisant l’expérience des esprits de la nature, vous pouvez infuser trente tonnes de grès vert sur trois kilomètres carrés, jusqu’à une profondeur d’un mètre cinquante, et tout a commencé avec une cuillérée à café de grès vert dans le creux de votre main. »

Machaelle sourit, heureuse, en contemplant son jardin d’abondance. « Quand vous avez fini votre travail, passez un moment à sentir la terre que vous venez d’équilibrer. Constatez le moindre changement. Si vous ne sentez rien, ne soyez pas déçu. En raison de la nature de ce travail, il faudra quelques jours, voire quelques semaines, pour que l’effet se fasse observer ou sentir. Mais après quelque temps, vous constaterez un changement d’équilibre dans votre jardin, une fois reçues les informations des devas. Vous constaterez comme toutes les choses composent un ensemble plus cohérent. Vous verrez le rythme du jardin changer. Des choses qu’un étranger ne pourrait pas voir, mais qu’une personne travaillant de très près avec la terre remarquera immédiatement. »

S’ils le voulaient, les esprits de la nature pourraient facilement trouver et déplacer l’énergie sans notre intervention. « Mais cela détruirait l’esprit du jeu. Ils ont besoin de nous autant que nous avons besoin d’eux. C’est une tentative de création en commun. Bien que la nature soit puissante au-delà de toute imagination, et que les humains soient aux aussi puissants au-delà de toute imagination, l’homme et la nature potentialisent ensemble leur énergie individuelle. L’une des réalisations possibles de cette union est la création d’un réseau d’énergie de guérison de la terre par le système du jardinage sur toute la planète. La puissance de guérison qui irradierait des jardins et, au bout du compte, des réseaux de jardin, serait également disponible et profitable à la fois aux humains et à la nature, puisqu’il s’agit de l’œuvre des hommes et de la nature. »

Les conceptions de Machaelle sur les insectes se révélèrent tout aussi surprenantes. « Si l’homme veut se sensibiliser à la communication avec les insectes, il doit les considérer comme les messagers d’un problème et non comme le problème lui-même. Quand survient une maladie chez l’homme ou dans la nature, les insectes en question peuvent être capturés ou contrôlés par l’homme grâce à la technologie. Mais la maladie ne sera pas éliminée tant que la cause n’en sera pas prise en compte. Dans certaines régions où les insectes posent des problèmes ou ne sont plus contrôlés, prenez le temps de regarder l’environnement tout entier pour obtenir les réponses que vous cherchez. Considérez les insectes avec les hommes et la nature. Vous trouverez les indices nécessaires pour solutionner le problème.»

Machaelle se dirigea vers un cercle de trois mètres cinquante de diamètre où ne poussaient que des tomates.

Elle ramassa un scarabée sur l’un des plants, le posa délicatement sur le sol, et continua. « J’ai découvert que, dans un jardin, les insectes fonctionnent comme des agents de communication. Si je vois une plante ou une rangée de plants subitement envahie, ou apparemment telle, je m’en ouvre au deva responsable et je lui demande si la plante a perdu son équilibre. Un jour, j’ai découvert un rosier couvert d’aphides. Quand je m’en suis inquiétée, j’ai reçu comme réponse de ne pas paniquer, de pratiquer la fertilisation mensuelle prévue, et que cela suffirait à rendre son équilibre au rosier. Et c’est ce qui s’est passé. Après l’adjonction d’engrais, les aphides ont déserté le rosier en 24 heures. »

Elle quitta le cercle de tomates pour un autre où poussaient des fleurs et continua sur un ton plus sérieux. « Tout peut aller très bien dans un jardin et tout à coup, venue de nulle part, une horde de nuisibles dévore trois rangées de légumes. Si cela se produit trop souvent, c’est qu’un changement brutal est intervenu dans la pensée, les intentions ou les émotions du jardinier, de sa famille ou de la communauté en rapport avec le jardin. Quand il s’agit d’énergie humaine émotionnelle, secrète et crue, la nature joue un rôle d’absorbeur. Même si l’énergie émotionnelle est invisible, elle est néanmoins aussi tangible dans ses effets sur le monde de la forme que les insectes, les pluies diluviennes ou la sècheresse. »

La raison du succès de Perelandra avec les insectes devenait plus évidente à mesure que Machaelle se dirigeait vers une table ombragée où était posée une tisane rafraîchissante. « Depuis le début de mon aventure , j’ai payé ma dîme à la nature en lui rendant, par principe, 10% du jardin. Pour être franche, je n’ai pas accepté vraiment l’idée de cette dîme. Mais j’ai observé l’interaction entre animaux et plantes. Elle se passe de la manière la plus douce possible. Et en même temps, j’ai perçu que l’atmosphère d’agression qui pesait sur le jardin se dissipait progressivement et finissait même par disparaître. C’est alors que je me suis rendu compte que j’avais perdu mon attitude agressive envers le règne animal en changeant d’état d’esprit. Ce qui, à son tour, a modifié les relations des animaux avec le jardin. Ils n’avaient plus besoin de se battre pour survivre. Ils pouvaient désormais exister dans leur environnement naturel sans peur de représailles. Bien mieux, un nouvel équilibre s’est créé, un équilibre où la qualité et la quantité d’activité se sont démultipliées. Inclure tous les membres de la chaîne de la vie qui appartiennent à l’équilibre environnemental du jardin encourage et magnifie la qualité et l’intensité de l’énergie vitale au sein de cette chaîne et au sein de l’environnement dans son ensemble. Machaelle a une façon sans doute plus sage et certainement plus douce de s’occuper du ver du chou que de l’attirer dans des pièges sexuels. Si attirant que soit l’appât, si douce que soit la mort.

Plantation dans un Jardin de Perelandra

« Lorsque mes choux, mes choux-fleurs, mes brocolis et mes choux de Bruxelles ont souffert d’une invasion de vers du chou, problème très fréquent dans notre région, je suis rentrée en relation avec le deva du ver du chou et lui ai annoncé que je souhaitais donner aux vers un plant au bout de chacun des quatre rangs. Je lui ai demandé en échange qu’ils ne touchent qu’aux 4 choux que je leur avais réservés.

Le matin suivant, tous les plants de mes quatre rangées de choux étaient débarrassés des vers, sauf un chou au bout de chaque rang. Mais le plus étonnant était le nombre de vers sur les derniers plants. Ces choux ne portaient que le nombre de vers qu’ils pouvaient tolérer, les autres vers avaient purement et simplement disparu. Les oiseaux, les guêpes et autres créatures avaient festoyé avec les vers du chou, et les choux, eux, purent se développer sans anicroche. En moins d’une semaine, les choux infestés étaient guéris sans trace de trous dans les feuilles et, à la fin de l’été, même le plant choisi comme « victime » avait pommé et pesait ses 2 kgs. »

Un homme jeune et de grande taille, avec une fine moustache, arrivait en flânant. C’était Clarence, un ancien séminariste qui avait choisi de quitter les ordres pour vivre et travailler avec Machaelle. Tout en continuant de parler, elle lui fit signe de se joindre à nous. « Juste au moment où commençait l’épiage du maïs, ce dernier fut attaqué, ravagé pour être précise, par les hannetons japonais. Ils mangèrent le pollen et détruisirent la soie. Mais après le succès que j’avais remporté avec les vers de chou, j’ai décidé d’entrer en contact avec le deva du hanneton japonais. A ma plus grande surprise, je me trouvais en relation avec une énergie qui, je ne pourrais mieux la décrire, rappelait celle d’un enfant maltraité. Une énergie de défaite, de soumission. Mais s’y mêlait encore de la colère et un désir maniaque de se battre pour survivre. Le deva me dit que ce que j’éprouvais n’était pas l’esprit dévique, mais la conscience même du hanneton japonais. Alors je lui ai simplement demandé que le hanneton japonais reconnaisse Perelandra pour sanctuaire, et je l’ai invité à se joindre à nous pour lui permettre de commencer à guérir. J’ai déclaré que nous ne ferions aucun mal aux hannetons. Et pour sceller notre accord, j’ai promis de laisser en friche une parcelle précise d’herbes hautes, favorite des premières hirondelles du crépuscule plongeaient sur les insectes dans la lumière ambrée. J’ai abordé le problème du maïs, dit Machaelle, avec l’espoir de pouvoir encore en sauver une partie. J’ai alors décidé d’essayer d’amplifier les vibrations de chaque tige. Peut-être les épis se développaient-ils malgré les hannetons. Il m’a fallu trois jours pour accomplir ma tâche : placer mes mains sur chaque tige pour lui manifester mon amour. Au bout de trois jours, les esprits de la nature en ont eu assez. Ils m’ont dit de quitter le champ de maïs et de ne pas y revenir avant nouvel ordre. Les devas et les esprits de la nature n’apprécient pas tellement les sentiments à l’eau de rose. Ils attendent de nous un amour d’action, de volonté. »

Clarence souriait, visiblement satisfait. « Elle est restée à l’écart du champ de maïs pendant 3 semaines. Jusqu’au matin où on lui a dit qu’elle pouvait y retourner. Chaque épi avait grossi, mais à demi seulement. On lui a dit que cela suffisait pour nourrir les oiseaux. Un autre semis par la suite, épargné par les hannetons, serait exclusivement pour nous. Un mois plus tard, le maïs poussait, intact.

Ce fut la même chose pour mes roses, ajouta Machaelle. Les hannetons ne prenaient qu’une ou deux fleurs par buisson et me laissaient les dix autres. Depuis des années que j’observe ce processus, j’ai appris à changer d’attitude en ce qui concerne les scarabées. Au lieu de me polariser sur ce qu’ils détruisent, je m’attache aux présents que chaque insecte offre aux hôtes innombrables du jardin.

 C’est ce qui m’a permis de comprendre le droit des insectes à être membres à part entière du règne végétal. Si étrange que ça paraisse, je considère que les insectes font partie non seulement de notre environnement mais aussi des moissons du jardin. J’encourage leur santé et leur vitalité, comme pour toute autre espèce. Et je veille à ce que le jardin attire et entretienne une population équilibrée et complète d’insectes qui, à leur tour, aident à entretenir toute la vie dans cet environnement. On m’a demandé, par exemple, de planter dans le cercle d’herbes de la menthe-coq, une herbe dont je ne me sers pas, bien qu’on l’utilise, paraît-il, en tisane. Chaque année, j’y mets scrupuleusement de l’engrais, et au début de chaque printemps, elle se couvre entièrement de millions d’aphides. Environ une semaine plus tard, un nombre à peu près équivalent de coccinelles apparaissent sur la menthe-coq. Peu après, les aphides disparaissent et les coccinelles se sont dispersées dans le jardin. Il est évident que la menthe-coq est la plante nourricière des coccinelles de Perelandra. »

Machaelle décrit son entrée en contact avec le grand dieu Pan, tout comme à Edimbourg, le sensible et érudit Ogilvie Crombie. Appelé Roc par ses amis, ami de Findhorn, il est aussi le propriétaire d’une bibliothèque ésotérique qui le rendrait digne d’être la réincarnation de l’astrologue de la reine Elizabeth I, John Dee. Pan, maître de tous les esprits de la nature, a transmis à Machaelle, d’après ce qu’elle a compris, que le rôle primordial de tout jardin est d’être utile. « Sans utilité, quel besoin y aurait-il de créer un tel environnement ? Avant la récolte, le jardinier est utile quand il aide le jardin à trouver son équilibre. A ce moment, le jardin à son tour est utile aux humains lorsqu’il crée un environnement qui transforme et guérit tout ce qu’il touche et tout ce qu’il enveloppe. Mais la pleine capacité du jardin à germer commence avec la récolte. Quand il mange ce qu’il a récolté, l’homme découvre pleinement la notion de service, à tous les niveaux. Et l’association qui s’est créée à l’instant même où l’homme a foulé le solde la terre, est célébrée par l’homme et la nature dans tous les domaines. »

« Les humains qui travaillent avec la nature dans un esprit de co-créativité ont reconnu et démontré avec succès les liens à la fois physiques et spirituels qu’ils ont avec le monde de la nature. Et la nature a répondu en produisant la nourriture et le carburant pour entretenir la partie physique de l’esprit humain sur cette planète. »

A l’unisson, selon Machaelle, les devas étincelants de lumière du jardin de Perelandra, le deva du sol, et Pan lui ont dit que pour être aidé physiquement, émotionnellement, mentalement et spirituellement, l’homme qui entre dans l’ère du Verseau doit, en association avec la nature, travailler en vue d’un équilibre écologique total.

Lorsque nous avons repris le chemin de la maison, le soleil se couchait. Machaelle marchait lentement en tête pour nous montrer le chemin. Du bout de sa sandale, elle faisait pensivement avancer un petit caillou. « Ils sont réels, les esprits de la nature, dit-elle paisiblement. Ils peuvent prendre bien des formes, mais une chose est sûre, ils ne sont jamais charmants. Ils cherchent une collaboration co-créative avec les humains et peuvent se permettre de ne pas en accepter moins. »

Extrait de « LA VIE SECRETE DU SOL ».
Christopher Bird et Peter Tompkins – Robert Laffont édition 1990.

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